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  • Photo du rédacteurChristian Lehmann

Douste-Blazy, "une sommité au passé sans tache s’opposant au lobby des laboratoires"

Dernière mise à jour : 25 mai 2020


Etre médecin depuis très ( trop?) longtemps, c’est hélas avoir gardé la mémoire de ce que nombre de nos contemporains ont oublié.

En cette période où se font inviter sur des plateaux de vieilles gloires dont les batteries de casseroles se sont dissoutes sous l’action de la rouille, se bousculent sous les sunlights des hommes et des femmes responsables en partie du désastre actuel, déterminés à refaire un tour de piste voire à assurer leurs arrières.


En voyant ressurgir Philippe Douste-Blazy, j’ai compris que nous n’étions pas au bout de nos peines.


Souvenez-vous.


Après avoir été ministre de la Santé une première fois en 1993, Villepin lui avait refilé le maroquin en 2004. Il s’agissait alors de mettre en place la réforme dite du médecin traitant, vouée à l’échec grâce à l’absence de moyens allégués aux généralistes. En réalité, Douste-Blazy n’était rien, tout juste un ancien cardiologue biberonné par les laboratoires sur lequel Jacques Servier, le père du Mediator, avait misé dès 1985 quand Douste n’était encore qu’un jeune chef de clinique ( Le laboratoire le suivra toute sa vie et sera d’un soutien financier régulier non négligeable, au point d’ailleurs qu’une information judiciaire est ouverte à ce sujet ). Douste-Blazy donc, posé là pour amadouer les syndicats médicaux proches du pouvoir, tandis qu’en back-office Xavier Bertrand, Secrétaire d’Etat, ancien assureur chez AXA et futur successeur du gommeux à mèche, posait les prémisses d’un démantèlement de la Sécurité Sociale solidaire.


Inventant la pénalisation des assurés hors-parcours, promettant un Dossier Médical Partagé qui quinze ans après reste une coquille vide inutilisable, détruisant l’option du médecin référent qui offrait aux généralistes la possibilité de travailler dans des conditions décentes. En échange d’une pratique informatisée, aux tarifs conventionnés, en tiers-payant intégral, ces médecins étaient partiellement rémunérés par la Sécu. Détail qui a son importance, ils se formaient de manière totalement indépendante des laboratoires pharmaceutiques. Big Pharma fit pression sur ses affidés des syndicats réactionnaires, qui demandèrent et obtinrent de Xavier Bertrand la tête des généralistes référents, avec pour conséquence la fermeture de nombreux cabinets, et le début de la lente destruction de la médecine de proximité.


Douste, pendant ce temps, après avoir reçu pendant des années des prébendes de Servier, défendait sur les ondes le Vioxx. Souvenez-vous, encore, de cet anti-inflammatoire « de nouvelle génération » qui avait causé quelques milliers de morts outre-Atlantique et qui venait d’être retiré du marché par la firme américaine tétanisée par les risques de procès. Vioxx, soit dit en passant, avait reçu l’année précédente le prix du Meilleur Médicament de l’Année décerné entre autre par… l’ancien président d’un de ces syndicats bien arrosés par leurs généreux mécènes.


Retrouver aujourd’hui Douste-Blazy, sorti de la naphtaline, affublé d’une blouse blanche, vantant les vertus de Didier Raoult et de ses recettes miraculeuses, n’est en soit pas étonnant. Le voir adulé par une horde de complotistes de l’alt-right qui voient en lui une sommité au passé sans tache s’opposant au lobby des laboratoires, a quelque chose d’hallucinant. Mais c’est en découvrant que Douste Blazy était membre du Conseil d’Administration de l’Institut Méditerranée Infection du Pr Raoult que mes yeux se sont enfin ouverts.


En 2002, désirant envahir l'Irak, et n'arrivant pas à trouver de preuves d'armes de destruction massive ( puisqu'il n'y en avait pas ) George Bush clama qu'on ne pouvait pas attendre de trouver le « smoking gun », la preuve irréfutable, car ce serait trop tard. Le « smoking gun », le canon tout chaud, encore fumant, c’est dans un western ou un polar l’arme du crime, qui désigne le coupable. En Irak, martelait Bush, le « smoking gun » risquait de survenir sous forme de champignon atomique. Il ne fallait pas attendre de preuves, il fallait agir, sans tarder, sans faiblir. Ce que Bush fit avec l’aide de Tony Blair, entraînant le désastre qu’on sait.


Toute ressemblance avec la précipitation dans laquelle foncent les supporters de Didier Raoult, s’appuyant sur deux études consternantes et convaincus par la faconde du médiatique professeur est assumée. Dans l’urgence, ils intiment au gouvernement et aux médecins attachés à l’humilité de la méthode scientifique de « libérer la chloroquine » au prétexte… qu’il vaudrait mieux faire n’importe quoi pourvu qu’on fasse quelque chose…


Douste-Blazy lance une pétition comme si la thérapeutique se décidait au suffrage populaire chez Hanouna, alors même que nombre d’établissements ayant testé l’hydroxychloroquine, en France et à l’étranger, commencent à arrêter les frais au vu des premiers résultats décevants ( et je reste dans la litote). Longuement interviewé par Matthieu Belliard sur Europe 1, il explique que « ce médicament ne peut pas faire de mal » ( comme le Vioxx en son temps), alors que la chloroquine, ou le mélange hydroxychloroquine-azithromycine, peut entraîner des troubles du rythme cardiaques potentiellement mortels. Sans oublier, me rapportent mes collègues réanimateurs et urgentistes, de nombreux cas d’intoxication dont certains mortels, par auto-médication. La présence de Douste-Blazy au CA de l’Institut du gourou marseillais constitue pour moi le « smoking gun », la preuve de l’escroquerie. Personne, je dis bien personne avec un tant soit peu d’intégrité scientifique, ne peut décemment qualifier Philippe Douste-Blazy, l’« ami » de Jacques Servier -qui deux mois avant que n’éclate l’affaire Mediator l’assurait encore de « sa plus profonde reconnaissance » (sic) de personnalité qualifiée.


Christian Lehmann

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